Il y avait bien longtemps qu’Alexandre s’était senti en paix. C’était comme si une ombre le suivait depuis un bon moment.
Après être sorti du lit, il ouvrit les rideaux, s’attendant à voir un paysage ayant subi une transformation catastrophique. Et pourtant, tout était tranquille, et les nuages gris étaient comme une présence familière et réconfortante. « Ce n’est pas un matin comme les autres », pensa t-il en remontant la fermeture éclair de ses pantalons serrés, mais bouffants – qu’il le sache ou non, avec son chandail sans coutures noir, il semblait tout droit sorti d’un vaisseau spatial de la planète Zog. Si Alexandre avait réfléchi à la question, il aurait conclu qu’il aurait été heureux de venir de Zog plutôt que de la terre; il avait l’étrange sentiment que le monde qu’il habitait n’était pas le sien.
Le café où il se dirigeait se trouvait seulement à un pâté de maisons de son appartement et était fréquenté par les activistes, les férus de la justice sociale et autres « extra terrestres ». Alexandre les aimait bien, mais n’était pas trop impliqué auprès d’eux, de peur que ses collègues au travail ne découvrent qu’il était au fond un environnementaliste et un activiste social. Cette information ne serait pas vraiment bien reçue à la boutique de chaussures de course où se trouvaient toutes sortes de semelles toxiques et de matériaux non recyclables. Il n’aimait pas trop penser à tout ça. Les porteurs d’espadrilles ne s’en préoccupaient pas trop, pourquoi le devrait-il?
Alexandre commanda son café habituel (un américano d’origine unique) et se dirigea vers son recoin habituel. Or, avant même que ses fesses ne touchent le siège, son regard croisa celui de la fille. Dans ses yeux, il vit son passé et son avenir. Il savait que sa vie venait de changer pour toujours. Le futur qu’il voyait maintenant était clair et incroyablement magnifique.
Le monde d’Alexandre s’était ouvert, et il pouvait maintenant aller là où sa volonté et ses pieds voudraient bien le mener, en toute liberté. Il savait qu’il était du côté des gagnants. Cette sublime apparition était-elle le fruit de son imagination? Non… elle était là, dans sa splendeur toute simple, assise en face de lui. Il cligna des yeux, et elle cligna des yeux, et la vision ne disparut pas. Alexandre et la fille se glissèrent l’un près de l’autre et n’eurent nul besoin de parler. Ils jouèrent du pied sous la table, et une nouvelle vie commença. Ensemble, ils explorèrent les mystères de l’univers, loin de la monotonie quotidienne.
Et il faut souligner qu’en fin de compte, ils ont fini par délaisser le jeu de pied sous la table pour aller se bécoter sur la planète Zog.